HISTOIRE DU WHISKY FRANCAIS
1- Introduction
Lorsqu'on évoque l'histoire de l'apparition du whisky dans un pays , on a souvent pour habitude de parler de la "naissance" du whisky. Mais en fait , quelle date doit être retenue ?
Certainement pas la date de la première distillation dans le pays, bien que l'histoire de la distillation soit liée à l'histoire du whisky.
Doit-on retenir la date à laquelle le producteur à commencé à brasser des céréales avec l'idée de distiller le moût qu'il va créer ? Cela paraît prématuré.
Et la date à laquelle le new make sort de l'alambic ? Là cela peut nécessiter réflexion puisqu'historiquement l'eau de vie n'a pas toujours été vieillie. Oui mais la majorité des producteurs sur le globe semblent se rattacher , malgré tout , à valider l'idée qu'il faut une maturation dans des fûts de bois. A titre tout à fait personnel je pense qu'un new-make qui est consommé sans avoir bénéficier d'une maturation ne peut pas être considéré être un whisky . Tout au plus , pour faire référence à la médecine puisqu'on parle de naissance du whisky, pourrait-on parler d'un "whisky prématuré" ou "premature whisk(e)y".
Voyons de quelle façon cela s'est passé en France .
2- Quand et comment est né le whisky français ?
Philippe Jugé dans son ouvrage " whisky pour les nuls" , écrit « Il est assez curieux de constater que la production de whisky en France n’a réellement commencé qu’en 1984 »
J'aime bien cette phrase , elle est claire , elle ne parle pas de naissance mais de "début de la production"
C'est un de nos compatriotes bretons ( faut-il rappeler que la Bretagne est celte ?) qui, en 1983, dans la distillerie de Warenghem a débuté la fabrication du premier whisky dont le process a été entièrement effectué en France .
En 1983, cette distillerie qui datait du début du 20ème siècle avait pour directeur Gilles Leizour . L'établissement était essentiellement connu pour sa liqueur de plante "l’Élixir d'Armorique". L'établissement vivotait et Gilles Leizour s'était fixé un but : celui de sauver la distillerie.
C'est ainsi que le premier whisky français sera commercialisé en 1987. « C'était un équivalent du Clan Campbell, un blend d'entrée de gamme, très bien à mélanger avec du coca ...Au début, on s'est complètement adapté au marché» . Ce premier whisky français, un blend donc, a été baptisé sous le nom de WB (Whisky Breton) . Son petit frère Armorik, a été commercialisé en 1998.
On découvre le début de cette histoire en novembre 2018 dans un interview de David Roussier, le gendre de Gilles par l'Ouest France . David dirige la distillerie depuis 2009 .
Mais, est ce que le 1er whisky français a été vraiment conçu en 1983 et est-il vraiment né en 1987 ? En cherchant sur "la toile" et surtout dans l'ouvrage " whisky made in France" de Robin Entreinger ( Ed. Dunod), on découvre l'existence d'un certain " biniou" , probablement breton, qui aurait été invité à une garden party d'un 14 juillet 1983 à l'Elysée. Cette garden Party et son fameux "biniou "n'ont pas manqué d'être relatés dans un article du journal ,lu par les Bretons, "Ouest-France". Gilles Leizour n'a bien évidemment pas manqué de le lire . Il n'en fallait pas plus pour que Gilles ait l'idée de produire un whisky français d'autant qu'il avait appris que le Biniou n'était plus produit depuis 2 ans .
Très rapidement Gilles réuni son équipe et ils étudient le projet. Ils investissent sur le plan matériel en acquérant 2 alambics à repasse de type écossais . La production d’un « blend » de whiskies de malt (25%) et de blé (75%) distillés dans la distillerie de Warenghem était lancé . En 1984, l’alambic donnait les premières gouttes.
Mais alors 2 autres questions est-ce que "WB" de Warenghem était vraiment le premier whisky français ? et quid du Biniou ? C'est Christine Lambert , célèbre journaliste spécialiste du whisky (entre autres), qui a enquêté en janvier 2016 pour le compte de Slate . Philippe Jugé , directeur de la Fédération du whisky de France qui lui a rapporté: « On trouve la trace d’un Royal n°1 dès 1958, rebaptisé Le Biniou au début des années 1970. Il était distillé à Antrain par la Société des Alcools du Vexin. Mais quant à jurer qu’il y avait du whisky français dans la bouteille… Une chose est sûre : l’étiquette du Biniou annonçait 98% d’alcool neutre et 2% de malt!» et Philippe Jugé de terminer par «Jones, à Bordeaux, fabriquait sans doute un whisky plus ancien, mais là encore: était-il élaboré avec du malt français? Rien n’est moins sûr. Le vrai top départ, c’est donc Warenghem".
Donc à lire la réponse de Philippe Jugé c'est clair Biniou n'a pas prouvé qu'il était un whisky français ( mais était il seulement un whisky ?) et WB est bien le premier whisky totalement français ! Quoi qu'il en soit la commercialisation du Biniou a disparu en 1980 et sa composition n'est pas conforme à la réglementation actuelle .
3- Pourquoi ce retard à produire du whisky en France?
Nos ancêtres les gaulois et leur chef Vercingétorix connaissaient les tonneaux et la cervoise. La France est un pays qui a une agriculture développée et qui connaît les céréales , l'orge , le blé et les autres depuis des siècles .Le territoire français est parsemé de sources d'eau , de torrents, de rivières , de fleuves .On y trouve même de la tourbe ! La pus grande partie des frontières françaises se trouvent en bord de mer et les climats sont variés selon les régions. La France, pays vinicole est un grand consommateur de scotch whisky et produit de nombreux spiritueux tels que le cognac , l'armagnac , le gin , le rhum et j'en oublie certainement. En plus les Français sont les plus gros consommateurs de scotch whisky !!! La distillerie Warenghem ,qui a fait naître le premier whisky français ,datait pourtant du tout début du 20ème siècle pourquoi avoir tant attendu ? Mais il a fallu attendre quasiment la dernière décennie du 20ème siècle pour qu'elle fabrique enfin du whisky purement français ? Il a même fallu attendre le 18 janvier 2015 donc le début du 21ème siècle pour que la Fédération du whisky de France naisse !! Pourquoi ? Pourquoi tout ce retard ?!!
Peut être faut-il remonter à la naissance du whisky pour comprendre ?
Nicolas Julhès, de la distillerie de Paris a été très clair lorsqu'il a été interrogé sur ce sujet par Christine Lambert : «Pourquoi on ne s’est pas mis à fabriquer plus tôt du whisky français? Mais parce qu’on s’en foutait! On fabriquait déjà depuis des siècles l’alcool des riches, le plus noble des spiritueux: le cognac. À l’époque, l’alcool de grain était dénigré, jugé trop frustre. Quand le whisky a décollé et qu’on s’est réveillés, c’était trop tard: en face, il y avait des géants. Que pouvait-on faire?». En gros il a fallu qu'on attente la mondialisation du whisky pour s'y mettre et maintenant on fait une course effréné pour rattraper notre retard. Mieux vaut tard que jamais c'est vrai et c'est tout aussi vrai que les français sortent de bonne petites quilles, même des toutes petites distilleries artisanales.
Selon Philippe Jugé "Si la France a tardé à se tourner vers le whisky, c’est avant tout pour des raisons historiques. De tout temps, les français boivent du vin plutôt que de la bière. De fait, les eaux de vie de fruits – telles que le cognac, l’armagnac ou le calvados – se sont inscrites dans une continuité logique, plutôt que le whisky qui, lui, est une eau de vie de bière, donc de céréales. Cette réalité s’est amplifiée après la Révolution, quand les céréales devaient être réservées à l’alimentation car faciles à stocker pour l’hiver "
D'après Christophe Dupic, de la distillerie de Rozelieure (XXIème siècle), des éléments tendent à montrer qu'à la cour du roi Stanislas, il existe des écrits prouvant qu’à la cour de Stanislas [duc de Lorraine de 1737 à 1766] se consommait de l’eau-de-vie de grain vieillie sous bois: c’est la définition même du whisky.