LE JAPON AVANT LE WHISKY :
SES ALCOOLS TRADITIONNELS
Parler du saké, d'awamori et du shochu dans whisky lovers encyclopediae © ?
le saké ?
l'awamori ?
le shochu ?
Sciences
Références
En avant-propos du livre « Whisky Japonais la voie de l’excellence » de Brian Ashcraft et collaborateurs, Lew Bryson, en parlant du whisky japonais, déclare « nul ne peut en nier la qualité ni la spécificité ». C’est confirmé par Anne Sophie Bigot dans son ouvrage « whisky japonais » qui dans son introduction nous dit souhaiter nous « dévoiler les secrets et les spécificités » du whisky japonais.
Il faut entendre par là que, même si, avant de lancer le « japanese whisky », les japonais se sont inspirés du scotch, ils ne l’ont pas copié. Ils l’ont façonné à leur goût en tenant compte de leur propre histoire et de leurs coutumes. Ils n’ont pas sorti un scotch né au Japon mais un vrai «Japanese whisky» bien spécifique qui a vu le jour au pays du Levant et dont les parents sont nippons .
Avant 1853 le Japon connaissait et maitrisait la fermentation alcoolique et la distillation. Très attachés à leurs coutumes, les saveurs rencontrées dans leur gastronomie traditionnelle diffèrent des nôtres. Il se dit qu’ils n’ont pas le même palais que les occidentaux. Cela explique d’ailleurs, au moins en partie, qu’ils ont eu un peu de mal (au début !!) avec les whiskies tourbés d’Islay.
Avant le whisky , les japonais avaient, et ont encore, leurs alcools traditionnels : le saké , le shochu , et une autre boisson, moins connue peut-être, l’awamori. La bière était connue au Japon , elle y avait été introduite par les Hollandais. Des auteurs pensent que certains auraient tenté la distiller mais l’histoire resta sans suite jusqu’au début du 20ème siècle nous allons le voir.
La consommation d’alcool est bien ancrée dans la culture et les coutumes japonaise. Cela fait partie de leur histoire ancienne mais aussi contemporaine. Evoquer dans Whisky Lovers Encyclopediae certains alcools traditionnels permettra de mieux appréhender l’histoire du whisky japonais mais aussi , tout simplement, les whiskies japonais.
LE SAKE
Le saké est une boisson qui sème parfois la confusion chez certains occidentaux. Certains pensent que le saké serait l’ancêtre de notre whisky, voir même qu’il est un whisky.
Pour commencer, une petite leçon de japonais : il faut savoir que le mot japonais « saké » peut, désigner n’importe quel alcool. Il se traduit par « boisson alcoolisée » c’est le premier point de confusion ! Certains auteurs disent même que si un japonais vous propose de boire un saké cela pourrait se traduire par « allons boire un verre » sous-entendu «pourquoi pas un Japanese whisky».
Le saké, comme nous l’appelons en France, est désigné au Japon par le mot «nihonshu» qui se traduit en français par «alcool japonais».
Il y a beaucoup de choses à dire sur le saké, seul certains aspects seront traités
L'HISTOIRE ET LA CONFUSION ENTRE « SAKE » ET « WHISKY »
Commençons par la fin du 19ème siècle, période à laquelle le whisky est rentré, au moins officiellement au Japon …
En 1848 un américain qui fut le premier anglophone à enseigner l’anglais au Japon, Ranald MacDonald décrivait le saké comme étant « très semblable au whiskey ». Il affirmait même qu’il était issu « d’une distillation de riz ». Ranald était d’origine écossaise ce qui a certainement poussé à dire qu’il savait de quoi il parlait quand il évoquait le whisky !
Cinq années plus tard en 1853 c’est le très célèbre Commodore Perry avec toute l’ascension professionnelle qu’on lui connait, avec tout le respect qu’il imposait, celui même qui a introduit le whiskey au Japon , ou du moins officiellement, qui décrivait le saké comme étant « très semblable au whiskey » et « provenant d’une distillation du riz » ! Il était américain, apportait du whiskey par barriques aux japonais et là encore le flou s’est amplifié.
Si on rajoute à ces deux évènements historiques les vérités suivantes :
- Comme le whisky , la fabrication du saké nécessite 3 ingrédients principaux que sont le riz ( donc une céréale !) , de l’eau de source , et de l’aspergillus oryzae (« ki kōji-kin » en japonais) .
- Cet aspergillus oryzae est un champignon microscopique qui va permettre la fermentation du riz et donc la production d’alcool .
- La levure saccharomyces cerevisiae nécessaire à la production du whisky est aussi un champignon
- La plupart des producteurs de whisky japonais sont issus pour la grande majorité d’entre eux de familles de producteurs de saké
- La connaissance de la production de saké a eu une influence sur celle du whisky japonais avec son goût agréable qui peut parfois rappeler le saké( selon certains).
Ben, si on ne fait pas attention ou si on ne connait pas très bien ce qu’est le whisky, le cercle est bouclé et le saké est un whisky japonais . STOP
Eh ben non !!! Le saké n’est pas du whisky car tu oublies simplement que le saké est seulement fermenté et qu’il n’a PAS bénéficié DE DISTILLATION. Et oui ,les producteurs de saké ont dû se payer des alambics pour se reconvertir dans le whisky japonais !
Bien j’espère que pour vous , si c’était le cas , la ressemblance éventuelle du saké avec le whisky s’arrête là car pour faire du SAKE on NE pratique PAS de DISTILLATION quoi qu’il ait été dit par certaines personnalités de l’époque.
Il est vrai que l’histoire n’a pas aidé à corriger ces erreurs tout comme la linguistique ...
QU'EST-CE QUE LE SAKE?
La saké est avant tout une boisson traditionnelle du Japon. Le saké fait partie intégrante de l’art de vivre et de la culture nippone.
Le saké est une boisson alcoolisée qui provient de la fermentation du riz. Mais pas n’importe quelle variété de riz. Les variétés réservées pour les riz de table sont trop collantes. Il faut utiliser des riz spécifiques à la fabrication de saké que l’on nomme « Shuzo koutekimaï ». Les grains sont plus gros, plus riches en amidon , moins collants après la cuisson .
La majorité des sakés titrent autour de 15 % d'alcool avec des sakés pouvant titrer entre 11 et 20% vol.
DEPUIS QUAND LES JAPONAIS FONT DU SAKE ?
Comme pour le whisky, ce n’est pas évident à déterminer avec certitude.
Selon certaines sources s’appuyant à une offrande des Japonais à un roi chinois de la dynastie Zhou la production de saké remonterait au Ier siècle. Mais, si une des boissons préparées et servies pour la famille royale était bien à base de riz elle n’était pas fermentée ! Or le saké est produit par une fermentation.
Selon l’institut japonais National Research Institute of Brewing (N.R.I.B.) il semblerait qu’une boisson alcoolisée aurait été fabriquée durant la période Yayoi ( 300 av. JC- 250 ap. JC) , lorsque la riziculture avait été rapportée de Chine
Selon d’autres écrits chinois, le saké était connu semble-t-il depuis le 3ème siècle, période de développement de la riziculture. Ces écrits affirment que les japonais raffolaient du saké.
Enfin des écrits nippons évoquent clairement cette boisson au 8ème siècle, à l’époque de Nara ( Nara est une petite ville située dans la région du Kansai sur l'île de Honshu. Elle fut la capitale du Japon pendant 74 ans au cours de l'ère éponyme au VIIIe siècle). A cette époque, la culture du riz était bien intégrée. Le saké était intégré dans les rites shintoïstes [1] qui codifiait son caractère sacré. Le saké devient alors un élément essentiel des célébrations et des festivités et est totalement intégré à la culture. La ville de Nara est considérée comme le lieu de naissance du saké japonais.
Enfin certains, plus prudents, affirment que « sa production est issue d’un savoir-faire ancien et maîtrisé au Japon depuis plus de 1000 ans ».
[1] Religion la plus anciennement connue au Japon, antérieure à l'introduction du bouddhisme, caractérisée par un polythéismes animiste, le culte des ancêtres, l'adoration de l'empereur et l'exaltation du nationalisme japonais.
LA FABRICATION DU SAKE
informations générale sur le riz
Comme nous l’avons dit le saké est une boisson alcoolisée issue de la fermentation de riz . Durant toutes les opérations les conditions de température et d’hygrométrie sont très strictes ( les enzymes sont sensibles à ces conditions). Les riz à saké sont différents des riz utilisés pour l'alimentation
Structure du grain de riz
Rappelons que le riz est une céréale et qu’il a donc une structure que l’on peut comparer à celle de l’orge.
Les graines des riz à saké sont charnues (elles seront polies) , riches en amidon , ce qui est intéressant pour la production d’alcool . Les plus cultivées , selon le N.R.I.B. seraient le Yamadanishiki , le Gohyakumangoku et le Miyamanishiki ; mais de nombreuses autres variétés peuvent être utilisées selon les choix des sociétés productrices de saké.
Les riz à saké sont aussi moins riches en protéines que les riz utilisés pour l’industrie alimentaire.
Les grains de riz sont constitués d’une partie centrale et de 3 enveloppes . De l’extérieur vers l’intérieur
- La balle ( non comestible)
- Le son
- Le résidu de son
L’endosperme , qui est la partie centrale de la graine , sert de réserve de nourriture pour l’embryon. Il contient de l’amidon, des protéines et d’autres nutriments ( dont des vitamines, des minéraux ).
L'aleurone [1] va , pendant la germination, secréter des amylases , des enzymes qui vont décomposer l'amidon de l'endosperme en sucres fermentescibles.
[1] C’est la couche externe de l'endosperme . Elle est faite de protéines végétales de réserve et se présente sous forme de grains dans l'albumen.
Les 11 étapes de la production du SAKE
Je vais décrire les 11 étapes de la fabrication du saké. Certaines étapes sont communes avec celles du shoshu et de l'awamori . Il s'agit des étapes concernant la préparation du riz et la fabrication du Koji. Vous pourrez vous y référer
- 1ère étape : Le polissage du riz (seimai)
C’est une phase très importante pour la qualité du produit final.
Le grain de riz récolté à l’état brut est brun et recouvert de 3 enveloppes ( cf schéma). Ces enveloppes contiennent des protéines, des lipides et des minéraux. Or, certains de ses composants, une fois fermentés , vont produire des arômes et des saveurs indésirables et ne doivent donc pas être utilisés.
Le riz utilisé par la brasserie de saké arrive sous forme de riz brun ou riz complet avec sa couche de son encore intacte ( seule la balle a été retirée) .
Le riz va alors subir un polissage pour supprimer ces enveloppes. Par contre le centre du grain , l’endosperme, riche en amidon, est conservé
Le polissage doit être homogène.
Il se déroule à l’aide d’une machine à polir qui peut être comparée à un moulin muni d’un rouleau abrasif qui tourne lentement. Pour retirer 50 % de la graine il faut entre 2 et 3 jours.
L’évaluation de la qualité du polissage est évalué par « le taux de polissage » ou « rice-polishing ratio » ou « Seimaibuai » qui indique la quantité de riz restante. Plus le riz est poli plus l’amidon sera pur.
Cliquez pour plus d’informations sur le site de Saketimes
Taux de polissage = (poids du riz blanc / poids riz brun ) X100
A titre d’exemple : Le riz alimentaire a un taux de polissage proche de 90% ce qui veut dire que 10% du grain brut a été poli et que l’on va donc consommer les 90%.
Les sakés sont ainsi classés en fonction de leur taux de polissage. Plus le riz est poli ( donc avec un taux de polissage bas ) plus la qualité du saké sera grande.
Riz alimentaire a un taux de 90%
Honjozo a un taux jusqu’à 70%
Gingo a un taux jusqu’à 60%
Daiginjo a un taux jusqu’à 50%
- 2ème étape : Le rinçage du riz (senmai)
On rince le riz poli afin d’éliminer les résidus produits par le polissage (son et de farine).
- 3ème étape : Le trempage du riz (shinseki)
Le riz lavé est ensuite déposé sur un tamis puis trempé dans de l'eau. Le but est d’hydrater les graines polies afin d’atteindre le taux d’humidité optimal pour le déclenchement de la saccharification. . Plus le riz a été poli ( donc avec un taux de polissage bas) , plus il absorbera l’eau rapidement.
- 4ème étape : La cuisson du riz à la vapeur (mushimai)
Le riz est ensuite cuit à la vapeur afin, la encore, de faciliter sa saccharification par les enzymes du kōji. Les conditions thermiques et hygrométriques doivent être telles que les graines polies ne collent pas afin de favoriser le développement du champignon lors de la fabrication du koji. La cuisson dure environ une heure. On laisse ensuite refroidir le riz.
En fin de cuisson et s’agissant de la fabrication du saké, le riz ainsi cuit aura deux destinations :
- Une partie, environ 20% est utilisée pour la production du koji
- L’autre partie est utilisée pour le shubo ( fermentation starter ) et pour la fermentation principale ( fermentation mash)
- 5ème étape : Saccharification (production de koji )
Le fabrication du koji se fait sur une durée de 48 heures.
1ER jour : « période toko »
Le riz réservé pour le koji est d’abord refroidi à une température adéquate à l’ensemencement par l’aspergillus puis est apporté dans la chambre à koji ( koji room)
Le riz est alors placé sur une table allongée , « le toko ».
La température ambiante de la chambre à koji est de 30°C.
On ensemence alors le riz avec les spores d’aspergillus oryzae.
Le mélange est alors scrupuleusement mixé afin que les spores adhérent au riz et qu’ils soient répartis uniformément.
Alors le riz est entassé puis il est recouvert d’un linge pour maintenir les conditions de température et d’hygrométrie. Le riz va rester sur le toko durant le premier jour. Les spores de l’aspergillus vont germer.
La température du koji en formation va augmenter du fait du métabolisme ainsi engendré.
Pour maintenir une température acceptable, un hygrométrie favorable et pour favoriser le développement des spores, le riz sera de nouveau mélangé et saupoudré de spores.
Au fur et à mesure que le temps passe des tâches blanchâtres apparaissent sur le riz ( the haze) et vont s’étendre à tout le riz
Le 2ème jour période « tana »
Le riz qui a été ensemencé est placé sur des plateaux peu profonds ( traditionnellement en bois de cèdre) pour faciliter la régulation du taux d'humidité et la température. Ces plateaux sont appelés « koji-bako » et « koji-buta » selon leur capacité.
La température peut monter jusqu'à 42 °C lors de la saccharification (transformation de l'amidon en glucose).
Il faut continuer à mélanger le riz pour le refroidir et permettre le développement optimal du champignon ( aspergillus ). A l’issue le koji est prêt à être employé.
Lorsque la température atteint 40 à 43°C et après 43 à 45 h environ depuis l’arrivée du riz dans la chambre à koji. Le Koji est terminé.
- 6ème étape : Développement des levures ( Shubo ou Moto )
Après la fabrication du koji, on élabore le « shubo » qui est une culture contenant une concentration importante de levures nécessaires à la fermentation qui va suivre. En japonais, « shubo » signifie littéralement « mère du saké ». On parle en français de « pied de cuve ». On emploie aussi le mot « moto », qui signifie « base ». En anglais on trouve le terme de « fermentation starter » ou de « starter culture »,deux termes qui permettent de comprendre facilement de quoi on parle.
Pour résumer l’étape du shubo :
Tout d’abord on place dans une cuve : de l’eau, le koji , le riz cuit à la vapeur et des levures de culture.
Il faut ensuite acidifier le mélange pour éviter le développement de bactéries indésirables qui pourraient donner des arômes non souhaités. Certaines méthodes ( kimoto et yamahai) permettent de produire naturellement des lactobacilles qui vont s’en charger d’autres nécessitent l’ajout d’acide lactique. Ces méthodes nécessitent un contrôle scrupuleux des opérations et des conditions de température
Il existe 3 méthodes de fabrication du shubo
- Kimoto
- Yamahai
- Sokujō
Si vous souhaitez des précisions vous pouvez en trouver au chapitre science et whisky
LE SHOCHU
L'AWAMORI
SCIENCES ET BOISSONS TRADITIONNELLES JAPONAISES
REFERENCES
Livres
40° et plus Anne Sophie Bigot - ed Larousse
Whisky Japonais la voie de l'excellence de Brian Ashcraft chez synchronique éditions
Whisky Japonais découvrir et apprécier ed Larousse
Le koji
umamiparis.com/qu’est-ce que le koji ?
Historique du saké
beer-studies-Brasseries sous dinastie Zhou-Chine
Fabrication du saké
Toulouse-sake-club-fabrication-sake
Mycologie
Aspergillus oryzae-ScienceDirect
Différences entre levures & champignons -Never thought about that
Autres références dans la section mycologie de la partie " sciences et whisky"